10 anni fa, il 21 novembre 2013, veniva a mancare alle sue famiglie – umana e religiosa-, ai suoi amici e ai migranti di ogni parte del mondo Padre Beniamino Rossi, per tutti “Ben”.
Il suo ricordo e la nostalgia che manifesta “la presenza di un’assenza” ci accompagnano nel tentativo di continuare, come scalabriniani, quanto da lui intrapreso in difesa e in favore dei migranti.
Mi piace ancora pensarlo con alcuni estratti di quanto 10 anni fa, insieme a Luca Marin, abbiamo pubblicato nella rivista del Centro studi di Parigi “Migrations Société” (n°6, dicembre 2013) e che qui ripropongo nella versione originale.
« Né à Ca’ d’Andrea, Crémone, Italie, le 31 mars 1943 ; décédé à Croix-des-Bouquets (Haïti), le 21 novembre 2013.
Comme tous les hommes infatigables, dynamiques et toujours “sur la brèche”, Beniamino Rossi — “Ben”, comme l’appelaient tous ses amis — paraissait immortel, malgré une santé mise à rude épreuve par ses multiples activités et voyages incessants, les responsabilités accumulées en raison de son incapacité, presque génétique, à dire « non ».
La mort l’a atteint en pleine action à Croix-des-Bouquets, dans la banlieue de Port-au-Prince, en Haïti, le 21 novembre dernier, alors qu’il suivait les évolutions des projets de l’Agence scalabrinienne pour la coopération et le développement (ascs), qu’il dirigeait depuis huit ans “à partir de” son bureau à Milan.
Beniamino Rossi était un missionnaire de la Congrégation scalabrinienne très aimé et estimé de ses confrères, très connu par une foule de personnes de tous horizons et de tous milieux qu’il a rencontrées au cours de ses 70 années de vie. Doté d’une riche imagination, grand ami de la plume et des études, Beniamino — qui a aussi assumé des charges importantes au sein de sa Congrégation — était d’un abord facile avec ses interlocuteurs, qui appréciaient beaucoup son empathie profonde, son affabilité, son génie, son sourire franc et contagieux.
Pendant plus de 30 ans, son terrain de mission s’est situé parmi les immigrés italiens en Suisse et en Allemagne (de l’Ouest), dans les principales villes où se concentrait la main-d’œuvre étrangère. Son travail pastoral a débuté dans un milieu difficile, compliqué par les problématiques d’insertion culturelle et sociale des étrangers, les luttes ouvrières, le parcours plein d’obstacles des enfants d’immigrés dont l’échec scolaire et professionnel semblait inévitable. Malgré ses activités très absorbantes dans l’accompagnement direct des migrants, Beniamino jugeait nécessaire de prendre le temps de la réflexion scientifique afin de saisir le cadre général des phénomènes qui l’entouraient et de retrouver les liens de cause à effet des événements qui se succédaient. L’une de ses premières enquêtes sociodémographiques — menée en 1978 en collaboration avec Ermenegildo Baggio — concernait la “deuxième génération” des immigrés italiens en Suisse romande. On y voit déjà une analyse capable de confronter des concepts souvent très abstraits et utopiques, comme celui d’“intégration ”, avec la réalité des populations migrantes.
Ben était une véritable “machine à lire”, consommant plus de livres que de cigarettes (tout le monde lui reprochait d’être un grand fumeur). En plus de la sociologie, c’était un passionné d’histoire, allant souvent jusqu’à rechercher des informations à la source dans les lieux les plus reculés, mais le soir, à une heure déjà très avancée de la nuit, avant de s’endormir, il aimait lire l’une ou l’autre aventure de Tex Willer, le fameux ranger des bandes dessinées qui, du Texas à l’Arizona en passant par la Californie et le Nouveau Mexique, était toujours du côté des pauvres et des maltraités luttant contre les bandits hors la loi et, parfois, appartenant à la loi.
Il est probable que dans ses rêves Ben s’identifiait à Tex Willer, mais il est certain que dans la réalité les démunis, les marginalisés, les maltraités de la vie l’ont toujours eu à leurs côtés, Ben étant toujours prêt à la “bagarre verbale”, qui n’a épargné aucun homme de pouvoir, surtout si ce dernier était incapable de dialoguer, campait sur des a priori et tenait un discours plein d’arrogance et de mépris envers les migrants de tout bord.
Si on peut reprocher quelque chose à Beniamino, c’est justement son “bénéfique” manque de “diplomatie”. Ben ne savait pas mentir ni manifester des sentiments qui n’étaient pas les siens : au cours des nombreux Meetings internationaux sur les migrations qu’il organisait et conduisait avec l’enthousiasme et la passion dont aurait fait preuve un néophyte, plusieurs personnalités du monde politique et de l’Église italienne ou européenne ont pu se rendre compte qu’elles avaient en face un interlocuteur vrai et compétent qui ne mâchait pas ses mots pour dénoncer l’absurdité des politiques migratoires basées uniquement sur la répression ou l’hypocrisie des soi-disant “catholiques de naissance”, toujours prêts à sacrifier les migrants sur l’autel de la souveraineté nationale ou de la légitimité des États à légiférer aux dépens de la dignité humaine et de la sauvegarde des droits fondamentaux.
Cependant, Ben n’était pas capable de couper complètement les relations, même avec les personnes le plus opposées à sa pensée. Il était absolument persuadé que la vérité et la justesse des arguments, avec le temps, seraient reconnues et acceptées. Il ne se dérobait pas devant les obstacles, ni matériels, ni humains. Il avait intériorisé profondément, et n’avait pas honte de le répéter aux amis et à ceux qui le critiquaient, l’enseignement de Mgr Giovanni Battista Scalabrini — fondateur de l’ordre auquel Ben appartenait et l’un des pionniers de l’engagement ecclésial sur les chemins des migrations internationales — lorsqu’il affirmait : « Les idées avancent très lentement, notamment quand elles concernent les intérêts et les passions. Cependant leur chemin est progressif et graduel, surtout quand les idées proposées sont vraies et utiles. Il faut donc persévérer, car toute lenteur rejoint son but à condition que la fatigue ne prenne le dessus sur l’envie de continuer à proposer ces idées » [SCALABRINI, Giovanni Battista, 2e Conférence sur l’émigration, 1898.]. Sur le plan ecclésial, social et politique, Beniamino pouvait donc être défini comme un révolutionnaire idéaliste sans l’agressivité des révolutionnaires. Si l’histoire lui faisait tourner le regard vers le passé, son action était en revanche toujours projetée vers l’avenir, conscient qu’il fallait être en avance sur son temps pour que les réformes nécessaires puissent mûrir plus vite.
En tant que supérieur régional pour l’Europe de la Congrégation scalabrinienne — charge qu’il assuma de 1999 à 2005 — il essaya d’entreprendre une “modernisation” du travail pastoral de ses confrères en promouvant l’analyse scientifique et de nouvelles formes d’intervention auprès des migrants selon le modèle des ONG les plus efficaces. Au long de son mandat, cet effort s’est traduit par la création de l’ASCS, un organisme censé coordonner rigoureusement les projets humanitaires proposés par la famille scalabrinienne.
Dans sa Congrégation, parmi les migrants sous toutes les latitudes, parmi les bénévoles qu’il a formés, envoyés là où le besoin était le plus important et accompagnés par l’amour responsabilisant d’une mère, d’un père, parmi ses amis et ses proches qui l’on aimé, Ben laisse un grand vide et un lourd héritage : plusieurs projets qu’il voulait réaliser ne verront peut-être jamais le jour. Cependant, si la Congrégation a le courage de poursuivre le chemin tracé, elle en tirera davantage de force et d’inspiration pour continuer à servir les migrants, à l’exemple de Beniamino».
P. Lorenzo Prencipe